jeudi 21 mai 2015

Les reliques de ste Hélène à Paris

A l'occasion de la fête des saints empereurs, égaux-aux-Apôtres, Constantin et sa mère Hélène, nous reprenons une homélie prononcé par le père Nicolas Nikichine (alors diacre), directeur du Centre de pèlerinage du diocèse de Chersonèse, sur sainte Hélène et la présence de ces reliques à Paris.


Les reliques de ste Hélène en I'église St.Leu-St.Gilles

Mes frères et sœurs,

Ste Hélène est plus que connue dans l'histoire de l'Eglise. Saint Grégoire le Grand la représentait comme l'instrument dont Dieu se servit, pour faire briller dans le cœur des Romains les lumières de la foi.

Elle était la mère du 1er empereur chrétien, st. Constantin qui fut " le premier qui a soumis sa pourpre au Christ librement, le reconnaissant comme Dieu et Roi de tous " (Vêpres, stichère du Lucernaire). Saint Ambroise estime " Constantin bienheureux d'avoir été formé par telle mère " ; saint Paulin de Nole affirme que " Constantin doit autant à la foi de sa mère, qu'à la sienne propre, d'avoir été le prince des princes chrétiens ".

Son autre titre de gloire fut la découverte de la Vraie Croix. La " Vraie ", parce que sur cette croix précisément notre Sauveur fut crucifié. L'Eglise a consacré par l'institution de deux fêtes le souvenir de cet acte de la vie de ste Hélène :
  • le 6 mars selon le calendrier grégorien ou le 19 mars selon le calendrier julien – Anniversaire de l'Invention de la Vraie Croix et d'autres reliques de la Passion de Notre Sauveur ;
  • le 14 septembre / le 27 septembre – Fête de l'Exaltation de la Vraie Croix.


C'est ste Hélène qui se distingua également par la restauration des Lieux Saints en Israël. Jusqu'à Hélène, cette terre était presque déserte et profanée par les Romains qui ont soit détruit soit caché sous des amas de décombres tous les vestiges de l'histoire évangélique. Ste Hélène, animée par une foi ardente, arriva en Palestine. Elle fit une véritable campagne de recherches pour identifier et authentifier les lieux liés avec la vie terrestre du Sauveur : de son lieu de naissance à Bethléem au lieu de sa crucifixion au Golgotha. Par ces découvertes, elle donna un argument puissant de la vérité historique des récits de Évangile. Grâce à ste Hélène, la Terre Sainte a été intégrée dans la vie spirituelle de l'Eglise. Elle a frayé la route des Saints Lieux, les générations de chrétiens ne cesseront d'y marcher sur ses traces pour puiser aux sources de notre foi.

Bref, ste Hélène est une des figures féminines les plus grandioses que l'antiquité chrétienne nous ait léguées. Ainsi, les Pères du 4-ème Concile œcuménique voulaient faire un éloge à l'impératrice Pulchérie, ils la proclamèrent " une seconde Hélène, digne émule de la première, par son zèle à défendre et à propager la foi orthodoxe ".

Ste Hélène est tellement grande que si l'on pose la question, en Russie ou en Grèce : où devrait être son corps, si Dieu l'a conservé pour nous ? La réponse naturelle serait d'associer ce lieu présumé avec l'un des centres de l'histoire chrétienne comme Jérusalem, Rome ou Constantinople. En aucune façon Paris ne serait parmi les candidats pour un lieu qui abriterait le corps de ste Hélène.

Et nous, nous sommes ici devant elle pour implorer son aide.

Est-ce que c'est vrai ou faux?

On éprouve d'abord un cruel embarras. Ste Hélène ? Au centre de Paris ? Dans cette ville qu'on associe davantage aux loisirs qu'aux événements de l'histoire de l'Eglise ancienne.
De plus, si l'on regarde du côté des scientifiques, des historiens, on ne trouve que le silence ! Comment est-il possible qu'ils aient oublié dans cette ville qui n'est pas du tout gâtée par les monuments antiques, la mère d'un des plus grands empereurs romains ?

La réponse aux premiers doutes est simple ! Notre science actuelle aime-t-elle le Christ, n'a-t-elle pas rejeté la foi en Lui, d'abord préférant la voix de la raison, ensuite celle de ses passions ? La science d'aujourd'hui occulte tout ce qui touche la vraie lumière. C'est pourquoi il faut être très prudent avant d'accepter les conclusions des historiens concernant le domaine spirituel, là où la nature de l'Eglise se manifestent avec ses propres lois.

Et les Parisiens ?

Où sont les héritiers de la vénération que st Ambroise de Milan, st Fortunat de Poitiers, st Grégoire de Tours manifestaient envers ste Hélène ?

Nous, les étrangers, nous ne nous rendons pas compte, au vu de la prospérité matérielle de l'Occident vis à vis des malheurs de nos propres pays d'origine, de la tragédie spirituelle qu'éprouve encore la France, et Paris en particulier. Paris a connu quatre révolutions dévastatrices pour l'Eglise : en 1789,1830,1848 et 1871. Encore en 1871, les Communards ont tiré du canon à l'entrée de l'église St.Leu-St.Gilles. L'église fut pillée, transformée en club. C'est par un miracle que les reliques de ste Hélène furent sauvées.

Et après ? Les lois anti-chrétiennes de la séparation de l'église et de l'état, la confiscation des biens de l'Eglise et des monastères, l'expulsion des ordres monastiques de France.

Et actuellement c'est la période du rationalisme triomphant qui nie les saints, ridiculise par tous les moyens les mystères de la foi, sans avoir trouvé d'opposition spirituelle adéquate. La société française du 20-ème siècle n'est pas encore passé par une perestroïka comme en Russie, où l'on voit ressurgir des cendres des églises, des monastères, des nouveaux séminaires.

En bref, l'absence de vénération actuelle de ste Hélène est une conséquence des problèmes sociaux et moraux d'aujourd'hui, mais en aucune façon n'est liée avec le problème d'authenticité de ses reliques.

Jamais de doutes

Si l'on s'adresse à la voix de l'Eglise, la réponse est plus que simple. Il n'y eut jamais de doutes ni d'objection jusqu'au 20-ème siècle. Tout le monde en Occident acceptait ce fait. D'abord à Rome :
on croyait que ste Hélène y a été enterrée en 328 par son fils Constantin dans un mausolée dont les vestiges existent à nos jours, d'où elle a été ramenée au 9-ème siècle par le moine Teutgis au monastère d'Hautvillers dans le diocèse de Reims.
A Hautvillers :
on a d'abord douté qu'un moine si simple, si chétif, puisse s'emparer d'un pareil trésor, du corps d'une véritable impératrice (imaginez en nos jours l'éventualité du vol du corps d'un président de France). 
Les moines ont effectué plusieurs expertises, ils ont notamment fait une analyse historique pour s'assurer que ste Hélène fut bien à Rome. Ensuite on a envoyé une commission compétente à Rome pour constater la disparition des reliques. Enfin, on a fait subir à Teutgis une épreuve, qu'on utilisait dans les circonstances exceptionnelles pour tester si le témoin dit la vérité. En présence de l'évêque de Reims, le célèbre Hincmar, du roi Charles le Chauve et de sa cour, Teutgis est passé par l'eau bouillante, croyant fermement que ste Hélène le délivrerait : il resta sain et sauf. 
Depuis, la foi en l'authenticité du corps de ste Hélène resta à Hautvillers inébranlable jusqu'à la Révolution. De plus beaucoup de miracles grâce aux prières à ste Hélène, ne pouvaient qu'affermir davantage cette foi.
A Paris :
on accepta l'authenticité des reliques car depuis leur arrivée à Hautvillers, elles avaient été examinées plusieurs fois à l'occasion des changements de châsse et des divers malheurs dûs aux guerres de religion du 16-ème siècle. Les conclusions des commissions qui ont procédé à l'ouverture de la châsse et à la translation des reliques de ste Hélène se corroborent. Elles témoignent que ce sont les mêmes reliques qui furent reçues au 9-ème siècle et qui ont été transmises en 1820 par le moine Grossard à la Confrérie des Chevaliers du Saint-Sépulcre qui avaient leur siège à l'église St.Leu-St.Gilles.
En 1875, après les désastres de la Commune de Paris, on a ouvert la châsse une dernière fois. On établit un certificat médical décrivant du point de vue anatomique les reliques de ste Hélène. Se basant sur ce certificat, Mgr Richard, archevêque de Paris, constata que " la châsse renferme le tronc presque entier du corps de ste Hélène ; dépourvu de tête et des membres fortement comprimé et aplati dans le sens bilatéral et que l'état du corps conservé dans la châsse de l'église St.Leu-St.Gilles correspond aux descriptions connues enregistrées par les Bollandistes au 18-ème siècle ". La châsse fut alors placée plus en vue, au-dessus et en arrière du maître-autel, au pied du grand crucifix, suspendu entre les deux piliers de l'abside. Depuis personne n'a ouvert le reliquaire.

La Croix est une folie...

Au 20-ème siècle, les historiens ont qualifié la translation de ste Hélène de Rome à Hautvillers par le terme de " vol ". Ils ont insisté sur ce terme, sous-entendu que tout devient suspect : les circonstances décrites, l'objet-même du vol.

Est-ce vraiment ste Hélène qui est arrivée en France ? Teutgis ne fut-il pas victime ou même personne consentant à la duperie ?

Or c'est ici que nous touchons le domaine propre de la foi. Les reliques sont-elles seulement des " objets " de ce monde, sous-entendu passifs, et dans ce cas elles ne sont que les témoins du passé ou bien sont-elles des " sujets " et, alors, elles sont et peuvent être actives.

Pour nous les chrétiens, la vénération des reliques repose sur la foi que les saints sont plus facilement accessibles par leurs restes terrestres que Dieu a voulu nous confier. Et ce saint continue à participer dans la vie de l'Eglise entière, dans notre vie personnelle par l'intermédiaire de ses reliques, à sa façon, selon la volonté de Dieu.

Plusieurs circonstances enregistrées dans le récit de la translation de ste Hélène de Rome à Hautvillers : événements extraordinaires, guérisons, – témoignaient à ceux qui les ont accompagnées lors du trajet, du consentement réelle de ste Hélène à poursuivre le chemin. C'est pourquoi, nous ne devons pas être étonnés, sachant que le pape Léon IX, après avoir reçu la commission des moines de Hautvillers venus vérifier le récit de Teutgis, n'avait pas réclamé les reliques. Après s'être renseigné sur l'histoire de la translation, il a compris que telle était la volonté de ste Hélène, elle-même, de reposer dans un autre endroit que Rome.

L'Eglise orthodoxe a déjà tranché dans un cas similaire, notamment en ce qui concerne la translation des reliques de st Nicolas de Myre en Asie Mineure à Bari en Italie, en 1087. On chante dans l'office du 22 mai commémorant l'événement, qu'il ne fut pas digne que ces reliques restent sans la vénération qui leur est due dans un lieu désert. C'est pourquoi elles ont été transférées de l'Asie Mineure, dévastée par les Turcs en Italie, pour servir aux fidèles dans un pays qui était à cette époque en voie de développement.

Rappelons que le 9-ème siècle, l'époque de la translation des reliques de ste Hélène, était l'époque de l'épanouissement culturel et politique, dit de la Renaissance carolingienne, période où se sont constitués en germe les états du monde moderne issus des royaumes barbares.

La conclusion s'impose : c'est vraiment le corps de ste Hélène qui est devant nous.

Dans ce cas des questions se lèvent :
  1. Pourquoi est-ce à Paris que repose ste Hélène, pourquoi cette rue fut-elle choisie dans cette ville ;
  2. Pourquoi cet abandon actuel ?

Peut-on comprendre ce signe que Dieu nous envoie ? Nous ne pouvons que sonder les desseins de Dieu.

Pourquoi Paris ?

Même si ce n'est pas une ville dite sainte, Paris est l'un des centres de la civilisation, de la culture incontournables des temps modernes. Comment voulez-vous que Dieu, qui veut que tout le monde soit sauvé et que chacun arrive à la connaissance de la vérité, sauve son peuple et son héritage. Il nous offre des signes de salut : les reliques des héros de notre foi, pour qu'elles soient à notre portée et là où l'histoire moderne se creuse réellement.

Pourquoi cette rue ?

On ne peut voir ici que le vice. Mais soyons prudents : les derniers peuvent devenir les premiers, et on se souvient de la mise en garde : les prostituées vous précédent dans le Royaume des cieux.

D'autre part, cette rue porte le nom de st Denis. C'est elle qui menait de l'Ile de la Cité, siège du pouvoir terrestre, à la Basilique de st Denis, lieu d'enterrement du 1er évêque de Paris, du patron spécial de la monarchie, de l'état français. C'est par cette rue que passaient les cortèges funèbres accompagnant les rois sur leur dernier chemin vers le lieu du repos à la Basilique, et c'est par elle que le cortège emmenait le roi de Reims après le couronnement. Ce n'est pas une rue, c'est la rue qui relie Paris à ses origines chrétiennes, la France terrestre avec son protecteur céleste.

Est-ce un hasard que celle qui a ranimé la foi de l'église déchirée par les querelles ariennes, se trouve ici sur cette rue qui mène vers celui qui a engendré la foi à Paris ?

Pourquoi cet abandon, cet oubli ?

C'est un signe, que l'évolution éthique et politique est défaillante et qu'il faut changer quelque chose.

Nous ne pouvons agir que pour nous-mêmes. Croyons, comme st Séraphin de Sarov : sauve-toi toi-même et mille autres seront sauvés.

Quel est le vrai sens de ce signe, de cette invention ?

Les Pères ont dit que Dieu souvent nous révèle les saints : leurs reliques, leurs tombeaux oubliés, la veille d'événements pénibles, de grands bouleversements pour nous affermir. Et tout incite à penser ainsi, en regardant le monde autour de nous. C'est comme si l'on déterrait les anciennes armes de guerre. Parfois Dieu révèle ces trésors pour manifester Sa gloire, Sa puissance. C'est pourquoi on pourrait trembler face à cette nouvelle invention des reliques de ste Hélène, mais nous devons croire que tout est pour notre bien, pour le mieux.

Qui oserait pénétrer les desseins de Dieu ?

Il y a un parallélisme frappant entre l'époque où vivait ste Hélène et la nôtre : l'indifférence spirituelle, la décadence morale, la foi chrétienne ridiculisée. C'est Hélène qui fut choisie comme l'un des instruments pour ranimer la foi chrétienne fléchissante. C'est elle qui a cru à la grâce des Lieux Saints et, par un effort extraordinaire, vu son âge avancé, elle a ouvert la voie vers la grâce aux innombrables foules de pèlerins. Les parcelles de la Vraie Croix retrouvée ont été distribuées à toutes les églises comme témoins de la vérité de l'Incarnation et les miracles qui ont été produits manifestaient la realité de l'Amour divin envers nous.

Aujourd'hui, quand notre foi est devenue plutôt tiède, quand notre salut est menacé, c'est pour rallumer la flamme de notre foi, qu'elle est là. Elle-même, à la fin de sa vie terrestre, a trouvé les lieux saints en Palestine. Actuellement c'est une terre déchirée par les conflits nationaux et religieux.

Maintenant, dans sa vie céleste, elle nous indique un autre lieu saint presque ignoré : Paris. Ne donnons que quelques exemples :

  • c'est ici dans la Sainte Chapelle que fut gardée la Couronne d'épines actuellement conservée à Notre-Dame de Paris ;
  • c'est à Argenteuil, à 15 mn de Paris, que l'on garde la Tunique du Christ, celle qui fut tirée au sort par les soldats au pied de la Croix (Qui va prier devant cette Robe " sans couture ", symbole par excellence de l'unité de l'Eglise ?) ;
  • c'est dans la Basilique St-Denis, aujourd'hui vide, que repose encore maintenant le corps de st Denis, de celui qui a fondé l'Eglise de Paris. D'après la Tradition unanimement confessée jusqu'aux Temps Nouveaux, temps de la Raison, peut-être, mais au profit de la foi, ce fut un disciple de st Paul Denys l'Areopagite, devenu 1er évêque d'Athènes, qui est venu évangéliser la Gaule et finit ses jours par un martyr glorieux. Les œuvres qu'on lui attribue ont fait de lui l'un des piliers de la théologie orthodoxe et occidentale.

Prions pour que le zèle ardent de ste Hélène fasse naître dans nos cœurs un élan pour nous débarrasser de nos préjugés rationalistes, pour que nous puissions nourrir notre foi auprès de ces sources pures que Dieu, dans son Amour a mis à notre disposition, à côté de nous.

Une chose est sûre : le fait que ste Hélène, la sainte universelle, ait choisi la France pour y reposer signifie l'incorporation de la France dans l'orthodoxie. Cette invention ouvre une nouvelle page dans les relations Est-Ouest, dans les relations entre les deux églises. Là où les discussions théologiques sont dans l'impasse, où les pourparlers entre les institutions représentatives des Eglises piétinent, Dieu fait intégrer l'Eglise de France dans l'économie du salut universel par le fait qu'une des plus grandes saintes orthodoxes repose ici. Cette terre ne peut plus être étrangère pour nous, car ste Hélène l'a choisi pour y habiter après son départ aux cieux.

Rappelons que dans l'Eglise orthodoxe sa mémoire est unie à celle de st Constantin, son fils. Leur fête est célébrée le 21 mai / 3 juin. On les vénère comme des " empereurs saints, glorieux, couronnés de Dieu et égaux aux apôtres ".

En Occident sainte Hélène a son propre jour de fête. C'est le 18 août. Dans la notice au Martyrologe Romain elle est aussi associée à l'empereur Constantin : " Fête de sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, lequel donna l'exemple aux autres princes, par son zèle pour la défense et l'extension de l'Eglise ".

Diacre Nicolas Nikichine

Sainte Hélène, prie Dieu pour nous. 

                                                                          _ _ _

Tropaire et kondakion à Sainte Hélène
Tropaire, ton 8.
Illuminée par la clarté divine, sainte Hélène, / tu délaissas en vérité les ténèbres de l'ignorance, / et fidèlement tu as servi le Roi des siècles, le Christ, notre Dieu.

Kondakion, ton 3.
En ce jour, avec sa mère Hélène, Constantin / a montré au grand jour le bois vénérable de la Croix, / sujet de honte pour les juifs et les païens, / arme de rois chrétiens pour triompher de l'ennemi / et qui pour nous-mêmes est devenue / un signe sublime, redouté des adversaires du Christ.

Source : La France orthodoxe ...vue de la Russie

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