dimanche 18 novembre 2018

Vie de saint Patrocle, Ermite.


Saint Patrocle (Patroclus), habitant du territoire du Berry, fils d’Æthérius, fut destiné, âgé de dix ans, à garder les troupeaux, tandis qu’Antoine son frère était destiné à l’étude des lettres. Ils n’étaient point nobles, mais ils étaient libres.
Antoine ayant un jour témoigné son dédain à son frère un certain jour qu’ils venaient ensemble, l’un des écoles, l’autre des champs, prendre à midi leur repas dans la maison paternelle, et l’ayant appelé paysan tandis que lui s’adonnait au noble exercice des lettres, Patrocle abandonna pour les lettres ses brebis et devança bientôt tous les autres.
De là, il passa, par un acte de recommandation, chez Nunnion, personnage puissant auprès de Childebert, roi des Parisiens (+ 558), pour y remplir un office.
De retour auprès de sa mère qui lui apprit que son père était mort, au lieu de se marier comme elle le désirait, il alla trouver Arcade, évêque de Bourges, pour le prier de le tonsurer et de le recevoir parmi ses clercs.

Il se fit remarquer par sa piété et devint diacre; mais ayant soif de solitude orante, il quitta Bourges et alla au bourg de Néris (Neerensem vicum), où il construisit un oratoire et se mit à enseigner les lettres aux enfants.

Ne trouvant pas encore la solitude qu’il désirait, car les malades et les possédés venaient se faire guérir par ses prières, il plaça sur l’autel de son oratoire certains écrits qu’il avait faits pour savoir ce que Dieu lui ordonnerait. Après qu’il eut veillé et prié pendant trois nuits, le Seigneur lui indiqua de prendre celui de ces écrits d’après lequel il devait partir pour le désert (c'est-à-dire en solitude).

En conséquence il transforma son habitation en monastère de moniales, ne prit avec lui qu’une charrue et une hache à deux tranchants, et il alla se construire une cellule au fond des forêts au lieu appelé Mediocantus (vraisemblablement La Celle à 6 km de Colombier).

Là il guérissait les possédés, et un jour qu’il avait découvert l’œuvre du Diable, dans des objets remis à une femme nommée Leubella comme protection contre la peste, le noir instigateur de nos maux lui apparut.

Patrocle bâtit le monastère de Colombier, à cinq milles de la cellule qu’il habitait dans le désert, et dans laquelle il mourut âgé de 80 ans, le 19 novembre/2 décembre 576, après y avoir passé dix-huit ans et manifesté par toute son existence la sainteté de la vie en Christ.

L’archiprêtre de Néris œuvra vainement pour faire apporter les reliques du saint ermite dans son bourg, car ce fut à Colombier qu’on l’enterra.

A son tombeau, Prudence et une autre jeune fille aveugle du pays de Limoges recouvrèrent la vue, Maxonidius aussi, après cinq ans de cécité. Y furent aussi guéris les possédés Loup, Théodulphe, Rucco, Scopilia, Nectariola et Tacihildis, avec deux jeunes filles du Limousin qu’on oignit d’huile bénie par le saint.

Et tous les jours le Seigneur manifeste Sa Grâce par son intercession


(d'après saint Grégoire de Tours)


Saint Patrocle prie Dieu pour nous!



Fontaine Saint Patrocle 
à Colombier près de Néris-les-bains


Reliquaire de saint Patrocle
à Colombier

Une vie de saint Patrocle plus longue ( tirée des Petits Bollandistes) se trouve sur le site de Père Cassien.

Source : Orthodoxologie

vendredi 16 novembre 2018

St Eucher de Lyon : Eloge du désert

« D’Eucher, on ne sait presque rien. Ce seront, pour l’essentiel, des conjectures. Voici à peu près à quoi ressembla sa vie.
Il naît dans une grande famille lyonnaise ; la date est incertaine. (Celle de sa mort n’est pas plus assurée : entre 449 et 455. Du moins a-t-on ces repères.) Il lit beaucoup, connaît un peu le grec. On voit passer dans ses textes, dans le Mépris du monde, dans les Instructions, l’ombre d’un long cortège, Cicéron, Sénèque, Aulu-Gelle, Pline, Symmaque, Prudence, Claudien ; et Virgile et la Bible, dont il est évidemment pétri, comme le sont ceux qui vivent en sachant où est la vie. Il devient sénateur (il n’y a pas de plus haute fonction). Il a épousé Galla, qui est très pieuse elle aussi ; viennent deux fils, Salonius et Veranius - Salon et Véran -, qu’il envoie à Lérins pour y être élevés par le moine Hilaire dans le monastère de l’île, qu’Honorat vient de fonder. Les deux fils seront évêques du vivant de leur père, le premier de Genève, le second de Vence, sans doute.
La charge de sénateur ne semble pas le satisfaire ; on lit dans l’abrégé de sa Vie par Adon, telle qu’on la découvre en tête de la traduction qu’Arnauld d’Andilly a faite du Mépris du monde : « Il renonça à la qualité de Sénateur si relevée pour s’aller enfermer dans une caverne en l’une de ses terres assise sur la rivière de la Durance, où ne s’occupant qu’à servir Dieu il passait tous les jours & les nuits en jeusnes et en prieres ». Le désir grandit ; Eucher va retrouver ses fils à Lérins en 422, et embrasse la vie religieuse. Galla, de son côté, se retire dans un cloître. Le père, la mère et les deux fils : il y aura quatre saints dans la famille. Puis le monastère même ne suffit pas ; il choisit la vie d’anachorète, fait la traversée de l’île de Lérins (Saint-Honorat) à celle de Lero (Sainte-Marguerite), et s’y établit. Il est seul. Ses vertus sont connues, son exemple rayonne ; on vient le chercher pour l’asseoir sur le siège épiscopal, à Lyon […] Je cite Adon : « L’Evesque de Lyon estant mort, toute cette Eglise suivant l’ancienne coûtume jeusna & pria durant trois jours, pour demander à Dieu de luy vouloir donner un Pasteur capable de la gouverner. Vn ange apparut alors à vn enfant & luy dit : Il y a dans une caverne assise sur le bord de la Durance, vn Senateur nommé Eucher qui a tout abandonné pour suivre IESUS-CHRIST. Il faut l’aller trouver & le prendre pour vostre Evesque : car c’est luy que Dieu a choisi. » Le voici donc à Lyon, sans doute jusqu’à sa mort.

Sa réputation grandit encore. Il défend Augustin contre les « semi-pélagiens » provençaux , correspond avec bien des gens, si l’on en juge par ce qui reste des lettres qu’on lui envoie, Paulin de Nole , Cassien, qui lui dédie l’une de ses Conférences, participe activement au premier concile d’Orange, écrit vraisemblablement La Passion de saint Maurice d’Agaune, ce chef de la légion thébaine qui se fait massacrer au verrou du Rhône, ou alors c’est juste à côté, sur les hauteurs de Martigny (Octodure). Claudien Mamert, qui l’a connu, et avait écouté ses prédications, fait de lui ce bref éloge : « D’âge jeune et d’esprit mûr, méprisant la terre et n’aspirant qu’au ciel, profondément humble et d’un mérite éminent, doué d’une intelligence pénétrante, d’une science étendue et d’une éloquence débordante, il fut sans conteste le plus grand parmi tous les évêques de son temps ». Et c’est à peu près tout. Eucher a-t-il lu ces quelques phrases ? Peu importe. On découvre avec plaisir qu’on peut faire de quelqu’un le portrait le plus précis en ne reprenant que les lieux de l’exemplarité et de la dévotion. Les signatures et les fiertés viendraient plus tard, avec l’invention des individus et celle des écrivains. Je note simplement (et je ne reviendrai plus sur le contraste, c’est inutile) que l’extrême singularité de l’expérience de solitude, celle aussi bien, pour reprendre les termes anciens, du colloque avec Dieu, s’accompagne naturellement d’un certain effacement, et même d’un désir d’oubli, c’est-à-dire d’une confiance ; et qu’à l’inverse, les identités rivées à elles-mêmes, inquiètes et closes, sont comme la petite monnaie de masses indistinctes, leur conversion illusoire et apeurée. Le sens du tragique, donc celui de l’œuvre, s’en est accru ; le changement nous apporte des chances étranges, chèrement payées. »

L'on peut trouver la lettre d'Eucher à Hilaire de Lérins, couramment appelé "Éloge du désert" en format pdf dans une traduction de Christophe Carraud, agrémenté d'une introduction et de notes, sur le site patristique.org.

Publié en la fête de saint Eucher de Lyon

vendredi 2 novembre 2018

Archimandrite Barsanuphe (Ferrier) (1935-2018): Mémoire éternelle !

Archimandrite BARSANUPHE : Mémoire éternelle !

L’Archimandrite BARSANUPHE (Ferrier), de l’Église orthodoxe russe (Patriarcat de Moscou), a remis son âme à Dieu le 20 octobre 2018. Higoumène du skit du Saint Esprit (Le Mesnil Saint-Denis, Yvelines) et fondateur du monastère de l’icône de la Mère de Dieu de Korsoun (Charente) et de celui de l’icône de la Mère de Dieu de Znaménié (Cantal), il a été un travailleur infatigable au service de l’Eglise et de la tradition monastique orthodoxe. Depuis vingt-cinq ans, il est aussi connu pour son engagement en faveur de la Paix.
 
Né en 1935 à Paris de parents français, ancien élève des Beaux Arts de Paris, le Père Archimandrite BARSANUPHE a été fait moine au skit du Saint Esprit, en 1964 lors de la Fête de la Transfiguration, par son père spirituel, le Métropolite ANTOINE de Souroge, lui-même disciple de l’Archimandrite ATHANASE (Netchaïev), venu du monastère de Valaam (Nord-Ouest de la Russie) à Paris, dans les années 1920. Par cette filiation, le Père BARSANUPHE a perpétué la tradition monastique de Valaam. 

A son arrivée au skit du Saint Esprit, sous l’higouménat de l’Archimandrite SERGE (Chévitch), il a vécu avec le grand moine iconographe, Père GRÉGOIRE (Kroug) - qui a réalisé, dans l’église du skit et dans beaucoup d’autres lieux, une œuvre d’une évidente beauté ancrée dans la tradition byzantine -, et il a veillé sur ce dernier jusqu’à sa mort en 1969 et obtenu l’autorisation préfectorale de l’inhumer au chevet de l’église.

Par la suite, le Père BARSANUPHE a poursuivi sa vie au skit avec les pères JEAN CLIMAQUE, HILARION et BASILE.

Au fil des années, il a enrichi l’architecture de l’église du skit, commencée en 1934 par le Père Archiprêtre André SERGUIENKO. Il a construit la coupole sur l’abside, le narthex, le clocher, et édifié pour la célébration du Millénaire du Baptême de la Russie en 1988, le baptistère et le porche.

Le skit du Saint Esprit a, le 9 juin 2014, reçu du ministère de la Culture le label « Patrimoine du XXe siècle », en présence de Monseigneur NESTOR, Évêque du diocèse de Chersonèse (Patriarcat de Moscou) en France. 

Au cours de sa vie, le Père BARSANUPHE a reçu de nombreuses personnes, venues pour des entretiens spirituels. Par ailleurs, il a contribué à la renommée de ce lieu monastique en accueillant lui-même de nombreux visiteurs. 
 
Durant ses cinquante-quatre années de vie monastique, l’Archimandrite BARSANUPHE a engendré spirituellement des personnes de tous horizons. Et il a été un inlassable bâtisseur de lieux monastiques et d’églises orthodoxes en France. 

Pour répondre à la vocation monastique de jeunes filles, le Père BARSANUPHE a fondé deux monastères féminins : en 1987, le monastère de l’icône de la Mère de Dieu de Korssoun, à Grassac, en Charente, et en 1988, le monastère de l’icône de la Mère de Dieu de Znaménié, à Marcenat, dans le Cantal. Il a dessiné les églises de ces deux monastères dans le pur style byzantin russe. 

Il a animé l’atelier d’icônes des moniales de ces monastères et a publié, en 1999, Icônes et fresques du Père Grégoire et Le Père Grégoire, moine iconographe du skit du Saint Esprit ainsi que, en 2015, Icônes et vies de trente saints moines russes. Il a également publié des Vies de Saints et plusieurs ouvrages et articles sur les icônes et les lieux monastiques.

Il a beaucoup œuvré pour la paroisse de Vanves (Hauts-de-Seine), dont il était vicaire, notamment par la reconstruction de l’église de la Sainte Trinité et la création de l’église des Nouveaux Martyrs et Confesseurs de Russie.

Au total, le Père BARSANUPHE a conçu, dessiné et bâti une dizaine d’églises orthodoxes un peu partout en France et aménagé et équipé huit églises domestiques aujourd’hui disparues. 
 
L’Archimandrite BARNANUPHE s’est engagé dans le combat pour la Paix. Vice-président de la Conférence Mondiale des Religions pour la Paix (CMRP France), il a œuvré dans l’interreligieux et multiplié rencontres et actions pour la recherche de la Paix. En 1998, il a été élevé au titre de Délégué diocésain aux relations interreligieuses par son évêque Monseigneur GOURY (Chalimov) et envoyé pour le représenter au grand rassemblement interreligieux de Bucarest organisé par la Communauté chrétienne de Sant’ Egidio. La même année, le 27 octobre 1998, date anniversaire de la première Rencontre d’Assise pour la Paix, il a inauguré la série des Rencontres Interreligieuses de Doumérac, dans le Centre de Rencontres Interreligieuses Multilatérales pour la Paix qu’il a créé en Nouvelle Aquitaine. 
En 2005, le Patriarcat de Moscou l’a décoré de l’ordre de Saint Serge de Radonège au titre de son service pour l’Eglise et de son travail fructueux pour promouvoir la Paix. 
 
Par ailleurs, c’est dans un esprit d’ouverture sur le monde d’aujourd’hui et de demain que le Père BARSANUPHE, membre de plusieurs associations artistiques, a créé en 1992 l’association «l’Art dans la cité l’Art dans le hameau », pour permettre à des personnes en situation d’exclusion de découvrir une forme de beauté, la peinture abstraite construite.
 
Tout au long de sa vie, il a été donné à l’Archimandrite BARSANUPHE de faire fructifier la fidélité à une tradition millénaire, dans un esprit de discernement respectueux de tous et de chacun.
 
Au Skit du Saint Esprit, le 21 octobre 2018
Grégoire Charmois
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