dimanche 29 mars 2015

Un musée d'histoire chrétienne à Lyon

Dans une salle adjacente au « cachot de saint Pothin »,
les mosaïques du XIXe siècle ont été préservées et mises en valeur.
En gestation depuis plus de dix ans, l’Espace culturel du christianisme à Lyon a ouvert ses portes mercredi 3 décembre 2014.

Les collectivités locales ont largement contribué au financement de ce mémorial dédié aux premiers martyrs lyonnais.

Complété d’un parcours présentant à grands traits l’histoire du christianisme, il est destiné à un très large public.

C’est une étroite niche creusée à même la roche. Un renfoncement fermé par une méchante grille. Selon la tradition, c’est là, sous la colline de Fourvière, que saint Pothin fut emprisonné, accompagné de ses coreligionnaires, à la suite d’une émeute urbaine contre les chrétiens, en l’an 177. La plupart furent décapités ou jetés aux lions. Les plus faibles, dont le premier évêque de Lyon, très âgé, moururent des suites des tortures infligées.

Depuis la découverte au XVIIe  siècle de cette cavité enfouie sous le couvent des Visitandines, l’on vient en pèlerinage visiter le « cachot de saint Pothin ». « Bon an mal an, trois mille personnes en faisaient la demande », rapporte le P. Emmanuel Payen. Le fondateur de RCF était recteur de la basilique de Fourvière lorsqu’il a appris la fermeture de l’hôpital de l’Antiquaille, aménagé dans l’ancien couvent. « S’est alors posée la question de la sauvegarde de ce patrimoine », poursuit-il. Notamment des belles mosaïques ornant depuis le XIXe  siècle les murs d’une salle adjacente au cachot.

UNE MISE EN ÉVIDENCE DES MOMENTS CRUCIAUX DE L’HISTOIRE DU CHRISTIANNISME
Lorsque l’Espace culturel du christianisme à Lyon (Eccly) est créé, les Hospices civils de Lyon introduisent, en 2008, une clause dans le contrat de vente confiant la gestion patrimoniale des lieux à cette association parrainée par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Très vite, l’Eccly sollicite les collectivités locales, avec un ambitieux projet : la création d’un centre d’interprétation sur les premiers temps du christianisme à Lyon.

Avant d’arriver à l’oratoire aménagé dans le cachot, il faut arpenter une salle voûtée, où des cubes disposés dans la pénombre donnent des clés de compréhension de la foi chrétienne. Les visiteurs empruntent ensuite un corridor ; sur les murs, la Lettre des chrétiens de Vienne et de Lyon a été retranscrite, telle qu’elle fut rapportée, un siècle et demi après les événements, par Eusèbe de Césarée et qui authentifie la localisation à Fourvière du lieu de réclusion des martyrs.

Passé le cachot de saint Pothin et la crypte des mosaïques, le projet prend une tout autre dimension. « Nous avons voulu mettre en évidence les moments cruciaux permettant de comprendre l’histoire du christianisme », explique Émile Visseaux, responsable de l’équipe scientifique, insistant sur l’approche historique et non confessionnelle de la muséographie. Soutenue par une belle iconographie, elle aborde succinctement la diffusion du christianisme, le rôle du monachisme, la civilisation médiévale et la Réforme. « La place nous manquait pour aller plus loin, mais nous prolongerons ce parcours par des conférences et des expositions temporaires », précise le directeur du musée, l’historien lyonnais Pierre Tricou.

UNE AMBITION ÉLEVÉE MALGRÉ DES LIEUX EXIGUS
L’Antiquaille-Eccly – le nom du musée – consacre également une salle au monde orthodoxe, en collaboration avec l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Et un espace scénographié sur la Réforme a été conçu avec l’Église protestante unie

Malgré l’exiguïté des lieux (900 m2 ), l’ambition est élevée. L’Antiquaille-Eccly a repris le flambeau d’une réflexion menée par la Fondation Fourvière sur la création d’un parcours du christianisme, au moment où le philosophe Régis Debray rédigeait son rapport sur l’enseignement du fait religieux à l’école. L’Eccly se veut d’ailleurs conforme aux directives du ministère de l’éducation nationale.

L’ambition n’a pas échappé aux collectivités, qui ont contribué pour environ la moitié du budget d’investissement (2,5 millions d’euros). « Les subventions n’ont fait l’objet d’aucun vote négatif au conseil général du Rhône, au conseil régional Rhône-Alpes, ni conseil municipal de Lyon », souligne l’association. Certes, « il s’agissait d’abord de restaurer un patrimoine appartenant à tous les Lyonnais », rappelle le conseiller général Jean-Jacques Pignard (UDI), pour qui « le christianisme est consubstantiel à l’histoire de la ville ».

UN PARCOURS COHÉRENT SUR LA TRÈS TOURISTIQUE COLLINE DE FOURVIÈRE
La mise en valeur du cachot de saint Pothin complète d’ailleurs un parcours cohérent sur la très touristique colline de Fourvière. « Entre le musée gallo-romain, le théâtre antique, la maison de Pauline Jaricot et la basilique, fréquentée par près de 2,5 millions de personnes chaque année, nous disposons d’un ensemble patrimonial à Fourvière témoignant de l’histoire du christianisme à Lyon », souligne Georges Képénékian, adjoint au maire de Lyon en charge des affaires culturelles. L’Eccly est d’ailleurs en discussions avec l’office de tourisme pour la mise en avant de ce nouvel espace muséal.

Mais, au-delà, souligne Georges Képénékian, l’Antiquaille-Eccly est « un lieu fondamental de transmission de cette histoire, à un moment où il est plus nécessaire que jamais d’expliquer le fait religieux ». Au même titre, il suit de près le projet d’Institut français de civilisation musulmane, porté par la grande mosquée de Lyon. « Une enquête du rectorat de Lyon, relève Monique Guinamard, membre du conseil scientifique de l’Eccly, a mis en avant qu’en classe de sixième, 76 % des élèves n’avaient pas traité la naissance du christianisme, placée en fin de programme. »

––––––––––––––

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE AUDACIEUX
L’Eccly table a minima sur 10 000 visiteurs par an. Et l’association donne rendez-vous en fin d’année prochaine pour faire un point sur l’équilibre budgétaire du projet. Prudemment, elle n’emploie pour l’heure qu’une seule salariée. Pour le reste, tout le personnel du musée sera bénévole, y compris son directeur. Une quarantaine de personnes se forment ainsi pour accueillir les visiteurs du mercredi au dimanche, entre 10 heures et 17 heures.

Bénévent TOSSERI, à Lyon
La Croix

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire