dimanche 23 mars 2014

Introduction de l'icône de la crucifixion en Gaule


Bréhier Louis. L'introduction du crucifix en Gaule. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 47e année, N. 1, 1903. pp. 67-70.

       Cet article de L. Bréhier, nous présente l'introduction de l'iconographie du Christ crucifié en Gaule par l'entremise des chrétiens d'origine syrienne, dans la cité de Narbonne à la fin du VIe siècle, grâce à un témoignage de Grégoire de Tours faisant référence à une icône de la crucifixion placée dans l'église Saint-Genès de cette ville.
       L'iconographie du Christ en croix qui en était encore au début de son développement, principalement en Orient, suscita la réaction de certains chrétiens de Gaule, ce que rapporte saint Grégoire de Tours, notamment par le fait que le Crucifié y est représenté dénudé, comme sur la porte de l'église Sainte-Sabine à Rome (Ve s.) ou sur la plaque d'ivoire d'origine romaine conservée au British Museum (début Ve s.) et que l'on retrouve toujours dans l'iconographie actuelle de la crucifixion, contrairement au Christ crucifié que la pudeur revêt d'une tunique (alors que les larrons sont représentées dénudés) comme sur une icône du VIIIe siècle conservée au Monastère Sainte-Catherine du Sinaï, sur une fresque du VIIIe siècle de l'église Santa Maria Antiqua de Rome (sans les larrons), mais déjà sur une miniature de l’Évangéliaire de Rabula (folio 13a) daté du VIe siècle. Nous sommes ici à l'époque charnière entre la représentation symbolique (croix glorieuse, chrisme) et les débuts de la représentation historique du Christ crucifié, dont les critères iconographique en sont encore à leurs balbutiements.
Notons également que certaines remarques de l'auteur reflètent une conception biaisée de l'évolution et de l'histoire de l'iconographie. Par exemple, lorsqu'il présente la destruction des icônes par l'évêque Serenus de Marseille à la fin du VIe siècle comme une autre réaction occidentale aux innovations iconographiques importés d'Orient en Occident. Il n'en n'est rien. L'acte de destruction des icônes de l'évêque de Marseille dans son diocèse est au contraire une manifestation occidentale d'iconoclasme. Cet évêque ayant été repris à ce sujet par deux fois par le pape de Rome saint Grégoire le grand lui demandant de rétablir les saintes icônes dans les églises. "Nous louons beaucoup que tu aies interdit d'adorer les icônes, mais nous interdisons de les briser.", lui écrivit-il entre autre. (cf. Théologie de l'icône, L. Ouspensky, Ed. Cerf, 1980, p.88). Ainsi il ne s'agit aucunement de la même chose. La réaction du prêtre Basile de Narbonne face à l'icône de la crucifixion (et non du crucifix comme l'auteur dans sa conception catholique-romaine persiste à le présenter), est une réaction envers la représentation de la nudité du Christ en croix, qui faisait encore débat à l'époque.

+ Pour aller plus loin :
Rappelons à ce sujet, l'ouvrage du père Philippe Péneaud, LE VISAGE DU CHRIST, Iconographie de la Croix, L'Harmatthan, Paris, 2010. (Aperçu) sur l'évolution de l'iconographie de la crucifixion.


Notes connexes à l'article :
- Porte de l'Eglise Sainte-Sabine de Rome (vers 430) : Illustrations (1 et 2), la scène du Christ en croix, la plus ancienne connut à ce jour avec la plaque d'ivoire sculptée de Rome (British Museum), se trouve en haut à gauche.
Mentionnons également cet article : Spieser Jean-Michel. Le programme iconographique des portes de Sainte-Sabine. In: Journal des savants. 1991, N°1-2. pp. 47-81.
- Crucifixion et pendaison de Judas, plaque d'ivoire découverte à Rome datée de 420-430, conservée au British Museum. Illustration.
- Evangile de Rabula (Italie, Florence, Biblioteca Laurenziana), folio 13a : Illustration
- Illustration d'une des ampoules du trésor de la cathédrale de Monza, Italie, représentant la crucifixion. (V-VIIe siècle). (On remarque que le Christ n'est pas représenté sur la croix contrairement au larron).

Publié le Dimanche de la Croix (3e dimanche de Carême) 2014.

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