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samedi 17 janvier 2015

saint Antoine le grand

icône de saint Antoine 
(basilique st Trophime à Arles, près des reliques du saint)

Lors de notre visite de la basilique saint-Trophime à Arles nous vous avions présenté les nombreuses et précieuses reliques conservées dans cette église. L'une des principales d'entres elles est sans nul doute celle de saint Antoine le grand, d'ailleurs conservé à part des autres.


Quelle est l'histoire de ces reliques, comment du désert égyptien où fut enseveli Antoine en 356, sont-elles arrivé en Provence dans la ville d'Arles. C'est ce qu'explique le texte ci-dessous que nous vous proposons :

ARLES ET LES RELIQUES DE SAINT ANTOINE DU DÉSERT

Si l'on en croit les écrits hagiographiques, saint Antoine abbé mourut le 17 janvier 356 au mont Colzim. Par souci d'humilité il avait recommandé à Macaire et Amathas, les deux disciples qui le servirent durant les quinze dernières années de sa vie, de garder secret le lieu de sa tombe afin que son corps ne soit ni embaumé ni vénéré.

Si l'on en croit la légende, le lieu de sa sépulture resta ignoré durant cent soixante seize ans et fut
mystérieusement découvert sous l'empire de Justinien. Ses restes furent alors apportés à Alexandrie
et déposés dans l'église de Saint-Jean-Baptiste en 529 comme le rapportent les martyrologes de
Bédé et Usuard), ainsi que nombre d'auteurs ecclésiastiques (Victor de Tunes qui aurait assisté à cet
événement, Saint-Isidore de Séville, Freculphe).

Devant l'expansion sarrasine, son corps fut transféré à Sainte-Sophie, à Constantinople, vers l'an
670 ; il y reposa jusqu'au XIe siècle, époque à laquelle il fut transporté en Europe par un baron dauphinois, Jocelin. Les bénédictins de Montmajour entrèrent en leur possession en 1083, date à laquelle l'église de Saint-Antoine en Isère fut donnée à l'abbaye de Montmajour d'Arles.

Parallèlement à l'implantation bénédictine, et face au développement de l'ergotisme (sorte de gangrène provoquée par un champignon se développant sur le grain, particulièrement le seigle, avarié), apparut un ordre hospitalier : les frères de l'Aumône ou antonins. Une rivalité s'instaura entre les deux ordres, aboutissant à l'expulsion des bénédictins par les antonins en 1290 : fere midi ignominiose fuerunt expulsi.

Cet acte marqua l'origine de l'antagonisme entre Arles et Saint-Antoine en Isère à propos de la possession des reliques de saint Antoine abbé. En effet, si jusqu'alors, les reliques étaient demeurées en Dauphiné, sous la garde des deux ordres (les antonins détenaient un bras, et les bénédictins le reste
du corps), après 1290 les avis divergèrent. Les bénédictins affirmèrent avoir emporté avec eux la
partie des reliques placée sous leur garde, alors que les antonins prétendirent qu'ils la laissèrent sur
place.

Dans un premier temps, ce débat fut occulté par celui du dédommagement dû par les hospitaliers
(transformés en ordre régulier) aux bénédictins en compensation de la perte du prieuré de Saint-Antoine (érigé en abbaye). Une pension annuelle de 1 300 livres tournois fut ainsi attribuée à perpétuité à Montmajour. Cela perdura pendant deux cents ans, jusqu'en juin 1490, date à laquelle une bulle papale inversa la situation en plaçant l'abbaye arlésienne sous la domination de l'abbaye dauphinoise, supprimant de ce fait la pension. L'affaire dura jusqu'au 31 décembre 1495, date à laquelle une bulle d'Alexandre VI supprima l'union des deux abbayes.

Ce fut dans ce contexte troublé que les reliques devinrent un enjeu politique et que fut ravivée la
querelle sur la légitimité de leur possession. Si leur présence à l'abbaye bénédictine d'Arles n'est attestée que par de très rares écrits, elle semble être confirmée par la découverte d'insignes de pèlerinage en plomb autour de Montmajour. Leur présence ne paraît guère trouver d'explication en dehors du contexte d'un pèlerinage.

Devant la crainte d'une tentative d'un coup de force des antonins pour prendre possession de l'abbaye
arlésienne, les reliques furent solennellement transférées à Saint-Julien d'Arles, le dimanche 9
janvier 1491 (1490 si l'on considère le style calendaire de l'Annonciation). Sous cette translation,
l'église Saint-Julien fût placé sous le double vocable Saint-Julien/Saint-Antoine, et saint Antoine
abbé, considéré avec saint Marc, comme un des patrons de la ville fit l'objet d'une importante dévotion. Sa statue ornait une des tours de la porte de la cavalerie, et sa procession était la plus importante puisqu'elle réglait, chaque année, le parcours des autres processions arlésiennes.

Son buste reliquaire en argent, qui était un des plus importants d'Arles, après avoir réchappé aux
fontes d'argenterie du XVIIIe siècle, fût victime du creuset dans lequel la Révolution précipita tant
d'œuvres d'art. Ses reliques furent restituées au culte par décision de la Congrégation des Rites en
1859 après bien des péripéties qui virent raviver le débat sur leur authenticité entre Arles et Saint-Antoine l'abbaye.

L'oubli dans lequel la dévotion à saint Antoine abbé est plongée depuis un demi-siècle à Arles
contraste singulièrement avec la ferveur qu'elle suscite dans le monde chrétien, tant romain qu'orthodoxe. Ainsi, les reliques arlésiennes sont plus adorées en Italie, où la chasse est régulièrement
envoyée, qu'à Arles même. Souhaitons qu'à l'avenir la fête de saint Antoine redevienne un temps
fort de l'année liturgique arlésienne et que sa chasse soit rétablie dans l'église qui l'a abritée pendant
plus de cinq cents ans.

Texte de Michel Baudat, extrait du bulletin n°1 de l'Association les Amis de la Major et de Saint-Julien Saint-Antoine « Histoire, patrimoine et accueil » d'Arles du 6 janvier 2008.

Source : Patrimoine de la ville d'Arles


Publié en la fête de saint Antoine le grand

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